2 Neurones & 1 Camera

Olivier Thereaux

02 Mars 2003 : Dans la douleur

Apres avoir lu le petit essai "why nerds are unpopular" de Paul Graham, je me suis demande comment cette etude sur la famille americaine (ou plutot son absence) pourrait s'adapter à mon sujet d'étude favori...

Chers Enfants

57% des femmes japonaises ayant un (ou des) enfants ne travaillent pas.
72,3% des femmes qui souhaiteraient continuer a travailler en ayant des enfants ne le peuvent pas.

Ces deux chiffres résument la situation de la famille au Japon : une famille fortement bipolaire, tellement bipolaire en fait qu'une fois l'enfant né, le couple se dissout completement dans la structure familiale, ouvrant au mieux les portes a une farandole de relations marginales, sexuées ou non.

Un père-revenu absent, une mère poule (pondeuse, couveuse, guide), schéma à vrai dire classique de la famille dans une société machiste, dont le Japon est un des derniers représentants. La Mère, le non-père, et l'Enfant.

l'Enfant étant la cause de la sacrifice du couple (et la cause du sacrifice de l'individualité pour la femme), on le bichonne, on en prend soin, on espere beaucoup pour lui. Avec le resultat que l'on connait, une education qui dès le plus jeune age pousse au travail acharné, à l'excès, le but avoué étant que l'enfant (qui a, certes, à peine l'age d'apprendre à lire) se lance, dès le départ, sur le bon chemin qui mène aux plus grandes universités, et donc à un bon job, et donc à un statut social digne de ce nom.

le salaire de la douleur

Se lancer sur le bon chemin, "suivre la voie"... Quitte a perdre l'objectif de vue. A la "fin importante en toute chose" du bushido, la voie des anciens samurai, la voie du travail imposée aux enfants dès le jeune àge ne conditionne pas les individus à la recherche du résultat. Au contraire, le résultat importe peu, à condition d'en baver.

On retrouve dans le produit fini de l'éducation japonaise "de base", le salaryman, la même perversion du processus de l'effort. Le drôle de drone de Japan Inc. s'abrutit de travail, et en vient bien souvent a oublier le "pour quoi" du travail, pour ne plus se souvenir que du "pourquoi", au mieux, du "comment" sinon : l'effort. Le sinistre et magnifique "gambaru", expression multiforme intraduisible, véritable clé de voûte de l'édifice culturel nippon : ce verbe signifie aussi bien "tenir bon" que "supporter sans broncher", "faire un effort", "se donner a 100%", j'en passe et des meilleures.

On notera, parmi les autres idiomatismes révélateurs, la formule pour dire au revoir à la fin de la journée de travail, qu'on pourrait traduire assez fidèlement par "vous êtes très fatigué". Bien joué coco, tu en as chié pour la journée, rompez soldat. Demain, tu iras rendre visite à notre client potentiel pour la douzième fois consecutive, patiemment, poliment, tu subiras maints affronts, et nul doute que cette fois, impressionnés qu'ils seront par tes efforts, voyant en ton dévouement le signe que notre compagnie saura se donner pleinement pour eux, nul doute que cette fois ils daigneront ecouter nos propositions commerciales.

Dors bien, petit salaryman, mais ne reveille pas ta femme ni tes gosses en rentrant.

Quant a moi, je m'en vais lire de ce pas "confucius lives next door", en esperant comprendre la cause de ce phenomène. Et au pire, j'aurai vaillamment cherché, c'est déjà ça.

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